jeudi 31 décembre 2015

Hit 2015 de la Prospective du Livre

Les 5 posts les plus lus en 2015 sur le blog de la prospective du livre et de la lecture :
 
 
 
 
 
 
Bonnes lectures 2016 si vous avez raté tout cela en 2015 ;-)

lundi 21 décembre 2015

Le numérique qui cache la forêt d'où est sortie la lecture !

Le biologique est narratif. Eminemment.
La plus petite unité de vie, la cellule, assure sa survie en décryptant (en décodant) et en documentant son environnement immédiat (ici et maintenant).
 
Envisager, comme je le propose depuis plusieurs années avec la prospective du livre, les mutations (passées, présentes et à venir) des dispositifs et des interfaces de lecture, c'est considérer les livres comme des objets de médiation entre les mondes. Ce qu'ils sont précisément.
Tous les lecteurs de fictions l'ont naturellement expérimenté : les livres sont des passages.
 
Or, le temps de la lecture, son tempo, ses rythmes induits par le style, par les effets de répétitions de certains éléments structurants et parfois très subtils, se doivent d'être respectés pour que l'œuvre à l'œuvre (sic) opère.
Si le passage de ce passage (re-sic) n'est certes pas une traversée, mais, comme le passage de l'endormissement au rêve, l'accès soudain à un état de conscience modifiée, il n'empêche que pour que la médiation entre les mondes (celui réel du lecteur lisant, et, celui fictif du liseur transporté par sa lecture) soit, une cadence naturelle biologique ancestrale doit être respectée. Probablement.
Dans cette optique, "le numérique", comme nous disons génériquement, est, et sera certainement bien plus au cours des années à venir, d'un apport considérable. Mais pas du côté de ses gadgets se présentant à la vente comme des dispositifs de lecture, ni du côté des applications logicielles et autres stratégies mercantiles de diffusion et de contrôle des textes. Mais par ce que ses "outils" apporteront, notamment aux neurosciences cognitives et de l'esthétique.
 
Mon postulat est que la lecture serait consubstantielle de l'âme, en définissant simplement cette dernière comme principe vital (reprendre ce texte à son début si cela vous choque : "Le biologique est narratif. Eminemment. La plus petite unité de vie, la cellule, assure sa survie en décryptant (en décodant) et en documentant son environnement immédiat...").
Le numérique, tel que nous entendons couramment ce terme aujourd'hui, nous cache la forêt d'où est sortie la lecture, je veux parler au fond de l'emprise du langage sur l'homme et de comment nos modes de lectures façonnent des images du monde que nous pensons comme réel.
A l'heure des mutations que nous observons tous des supports et des pratiques de lecture, là est, il me semble, l'essentiel.
Au cours de l'année 2016 je tenterai de préciser cette perspective fondamentale de la prospective du livre et de la lecture dans une expérience de publications hebdomadaires sur la plateforme communautaire Wattpad (vous pouvez vous inscrire ici gratuitement si cela vous intéresse de prendre connaissance de ces textes en 2016).

dimanche 20 décembre 2015

Le voyage intérieur du lecteur : un projet pour 2016 :-)

Juste un peu de teasing pour le lancement en 2016 d'une expérience d'écriture sur Wattpad, plateforme d'autopublication. 
Le titre du projet est : Le voyage intérieur du lecteur...
 
Présentation
" Dans le monde qui émerge sous nos yeux, issu à la fois de la Grande Convergence NBIC (la convergence des nanotechnologies, des biotechnologies, de l'intelligence artificielle et des neurosciences cognitives), et des grandes manipulations des industries du divertissement, les lectrices et les lecteurs d'aujourd'hui peuvent devenir les pionniers d'une nouvelle lecture.
Pourquoi ? Parce qu'en fait la puissance ancestrale des mythes s'actualise dans les technologies immersives. En ce moment même les techno-sciences commencent à se plier aux volontés de l'imaginaire humain.
Préparons-nous à porter les clartés de nos lectures sur les ombres du monde. A lire autrement l'univers. Ceci n'est pas une fiction. Ceci n'est pas de la science-fiction. Ceci est de la futurologie du livre et de la lecture. Et livres et lecture mutent. Ce projet, ici, et cette communauté wattpad, ici, en sont des preuves."
 
Pour nous rejoindre...
L'objectif est de révéler à un auditoire a priori à l'aise avec le numérique, lecteur, et parfois même auteur, amateur voire professionnel, que la lecture est véritablement l'aventure qui s'offre à nous, alors que les œuvres de fiction tendent de plus en plus à devenir des mondes habitables et que le monde réel nous apparaît lui de plus en plus fictionnalisé.
Une expérimentation, sans ambition particulière au départ, sinon d'essayer un nouveau canal de communication pour partager mes réflexions sur les enjeux des mutations de la lecture au 21e siècle.
Inscrivez-vous simplement et gratuitement en cliquant sur ce lien pour pouvoir bientôt lire le livre en construction et, si vous le souhaitez, participer en 2016 à ce projet.

vendredi 18 décembre 2015

En 2016 une expérience pour partager mes réflexions sur la lecture

A partir de janvier 2016 et à raison d'un chapitre par semaine j'entreprendrai l'expérience de partager mes réflexions sur la lecture, les bouleversements au niveau de ses dispositifs et de ses pratiques, avec la communauté des jeunes lectrices et lecteurs de Wattpad.
Le projet, appelé à évoluer au fil des semaines en fonction je l'espère des réactions, des commentaires et des critiques, s'appelle pour l'instant : Le voyage intérieur du lecteur.
L'objectif est de révéler à un auditoire a priori à l'aise avec le numérique, lecteur, et parfois même auteur, amateur voire professionnel, que la lecture est véritablement l'aventure qui s'offre à nous alors que les œuvres de fiction tendent de plus en plus à devenir des mondes habitables et que le monde réel nous apparaît lui de plus en plus fictionnalisé.
Une expérimentation, sans ambition particulière au départ (le nombre de participants francophones étant par ailleurs difficilement évaluable), sinon d'essayer un nouveau canal de communication pour partager mes réflexions sur les enjeux des mutations de la lecture au 21e siècle.
Si ce projet vous intéresse n'hésitez pas à me faire signe ou à me suivre sur wattpad...
Je publierai bientôt ici même des nouvelles sur le lancement de ce projet... 

samedi 12 décembre 2015

De l'Homo Sapiens au lecteur augmenté...

L'avenir n'est pas déjà écrit et il ne s'agit pas de le révéler, ni de le prédire. Plusieurs devenirs, en l'espèce du livre imprimé et de la lecture, sont possibles. Mais aucun ne surgira ex nihilo. Tous puisent leurs sources dans le passé le plus lointain de l'humanité et s'expriment déjà en germes dans notre quotidien.
Certains sont cependant plus probables que d'autres. C'est celui qui, au regard de mon travail de veille depuis une quinzaine d'années m'apparaît le plus probable, que j'ai donc choisi de développer dans mes recherches : le passage de l'Homo sapiens au Cyber-lecteur, ou lecteur augmenté. Par chance c'est également celui qui m’apparaît le plus souhaitable pour notre avenir.
Ma méthode consiste à structurer et à formuler en mots une projection de tendances fortes et convergentes, dans lesquelles nous pouvons reconnaître que s'y expriment des invariants qui animent depuis des siècles nos rapports à la réalité et aux fictions.

Nous devons je pense prendre conscience que les mutations en gestation dans le secteur, apparemment bien innocent pourtant, du livre, dépassent de beaucoup les simples et habituelles questions matérielles liées aux supports et aux dispositifs.
Probablement même qu'à l'échéance de la fin de ce siècle la problématique ne se posera plus du tout en ces termes, c'est-à-dire ceux où la majorité d'entre nous la pose encore aujourd'hui.
Cela n'a peut-être d'ailleurs aucune importance.
La problématique d'aujourd'hui n'est pas celle qui demain sera résolue.
Dans tous les cas, elle ne le sera pas par rapport à une opposition ou à une complémentarité papier / écran, imprimé / numérique. Car la chose nouvelle qui se prépare, aujourd'hui, est en fait bien plus de l'ordre de l'émergence, d'une part, de nouvelles formes de narration, et, d'autre part, d'univers transfictionnels, et avec des moyens d'accès et de locomotion dans l'imaginaire tels que nous commençons tout juste à pouvoir les deviner (casques de réalité virtuelle, lunettes et/ou lentilles connectées, intelligences artificielles et transferts de mémoires, etc.).

vendredi 11 décembre 2015

Mais où va le marché du livre ?

Réflexions sur l'utilité d'une véritable veille stratégique polymorphe pour les professionnels et les futurs entrepreneurs du marché du livre :
 


samedi 5 décembre 2015

Existe-t-il une sérénité du texte imprimé et de sa lecture ?

Ce texte de réflexion a été pensé pour une séance du séminaire Franco-Brésilien dirigé par Ana Maria Peçanha, le 1er décembre 2015 au Laboratoire d'éthique médicale de l'université Paris Descartes (sur le thème de la sérénité et avec les interventions de Sylvie Dallet, Orazio Maria Valastro et Norbert Chatillon).
L'objectif de ce texte était de questionner l'éventuelle perte du sentiment de sérénité de la lecture profonde, au fil des mutations des dispositifs et des pratiques de lecture que nous observons depuis quelques années déjà.


 

"En introduction, je vous propose une plongée, peut-être désagréable mais instructive je l'espère : une descente dans le gouffre du langage.
Écoutez ceci : « Sirius attriste le ciel d’une lumière inquiétante. ».
Ces paroles sont du poète latin Virgile, dans L'Énéide, le "Livre des voyages et des prophéties". Énée était l'un des héros de la guerre de Troie et Sirius est la principale étoile de la constellation du Grand Chien, annonciatrice des funestes canicules et des famines.

La sérénité, que le monde contemporain imagine comme un sentiment paisible de bien-être, découle du latin serenitas, qui signifie sécheresse. Serenitas vient de serenus, qui serait apparenté au terme grec ancien seirios, signifiant : destructeur, et ayant donné le nom latin Sirius : l'étoile de la canicule.
« Les gens rendaient leur douce vie ou traînaient un corps malade ;
alors, Sirius brûlait les champs rendus stériles ; les plantes séchaient
et les moissons malades empêchaient toute subsistance. » (Virgile).
 
Nous avons dans le souffle de cette parole, ce vent âcre qui remonte à nous la fureur et la violence des guerres, les épopées mythiques et le choc des civilisations, Rome et Athènes, Virgile et Homère, toutes les oppositions nécessaires à la manifestation de la vie.
Alors, comment, au 21e siècle, acter la métamorphose de la sérénité en un sentiment de douce quiétude ? Ne devrions-nous pas plutôt descendre en nous-mêmes jusqu'à son enracinement et faire face, comme ont fait face les héros de la Guerre de Troie, comme Virgile a fait face à la nécessité d'égaler Homère ?
Nous le voyons, d'emblée il s'agit bien dans cette histoire de livres, au pluriel, et de lectures, au pluriel également. Ce dont je parle c'est de ce que livres et lectures véhiculent au-delà des histoires qu'ils exposent à la vue.
Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, et Albert Camus l'a fait avant moi dans Prométhée aux enfers (recueil L'été) en écrivant ceci : « Les mythes n'ont pas de vie par eux-mêmes. Ils attendent que nous les incarnions. Qu'un seul homme au monde réponde à leur appel, et ils nous offrent leur sève intacte. » (1946).
 
Aujourd'hui, les technologies issues de l'informatique nous immergent dans un monde au sein duquel les dispositifs de lecture et d'information en temps réel nous sont de moins en moins maîtrisables. En même temps, les nouvelles formes de narration et de partages d'informations brouillent les frontières entre réalités et fictions, informations et rumeurs.
Les dispositifs sur lesquels nous lisons, et qui de plus en plus deviennent également ceux sur lesquels nous nous informons et ceux avec lesquels nous communiquons, sont de véritables Boites de Pandore, desquelles se déversent sur nous tous les malheurs du monde !
Ils sont en même temps un véritable Tonneau des Danaïdes que nous remplissons sans fin, participant ainsi nous-mêmes au malheur du monde en le répandant sans retenue.
C'est Protée qui est à l'action dans ces métamorphoses de l'information écrite en flux, qui nous emporte, tandis que notre orgueil nous pousse à penser que nous surfons ou que nous zappons.
Force est de constater que les nouveaux dispositifs de lecture (liseuses à encre électronique, tablettes multimédia et ordinateurs, smartphones, et objets connectés de toutes espèces...) interrogent massivement notre rapport au temps et au réel. Examinons rapidement cela...

La lecture est passée par plusieurs phases historiques assez clairement identifiables.
D'abord une phase de lecture immersive naturelle, celle de la bibliographie offerte du monde. Je l'imagine commune à toutes les manifestations du vivant et je la trouve évoquée dans cette citation d'Italo Calvino : « L'œil s'arrête rarement sur quelque chose, et seulement quand il y a reconnu le signe d'autre chose : une empreinte sur le sable indique le passage du tigre, un marais annonce une source, la fleur de la guimauve la fin de l'hiver. Tout le reste est muet et interchangeable ; les arbres et les pierres ne sont que ce qu'ils sont. » (Les villes et les signes, dans Les villes invisibles, 1972).
La lecture est sortie du bois bien avant que les hommes inventent les écritures.
Avec cette invention cependant la lecture accédera au statut d'activité culturelle. D'abord magique (objets parlants de la Grèce ancienne, statues épigraphiques, amulettes de la kabbale pratique, etc.), aujourd'hui pour un neuroscientifque comme Stanislas Dehaene la lecture reposerait sur des mécanismes cérébraux anciens de reconnaissance visuelle des objets et des visages, et qui auraient évolué pour des usages plus complexes. Espérons qu'une telle plasticité soit encore possible.
Ensuite, et très progressivement en fonction du développement des écritures et de ses apprentissages liés, une phase de lecture intensive. Sommairement, elle se caractérise par un nombre réduit de lecteurs et d'écrits, et conséquemment par des lecteurs qui lisent et relisent régulièrement les mêmes textes, le plus souvent religieux ou philosophiques.
Puis, avec la mise au point et les développements de l'imprimerie, véritablement significatifs à partir du 16e siècle seulement, une période de lecture extensive. Nous avons alors à la fois de plus en plus de livres et de plus en plus de lecteurs qui ont tendance à ne lire qu'une seule fois des livres nouveaux pour eux et de plus en plus des œuvres de fiction.
Depuis la fin du siècle précédent, de nouveaux dispositifs de lecture nous font passer à une nouvelle étape. Nous pourrions la qualifier de lecture hyper-extensive. Une lecture souvent plus rapide et moins linéaire, voire partielle, hypertexte et connectée, souvent aussi partagée et commentée, enrichie de commentaires aux commentaires, se mêlant parfois d'écriture collaborative et renouant avec d'anciennes pratiques de l'époque des copistes.
La phase suivante que je devine serait celle d'une métalecture immersive augmentée, rendue possible par le déploiement de technologies immersives (casques de réalité virtuelle et interfaces de réalité augmentée) accroissant artificiellement les capacités naturelles des lecteurs ; rendue possible aussi par l'émergence de nouvelles formes de narration et d'univers transfictionnels.

Concentrons-nous maintenant un instant sur l'objet "livre imprimé sur du papier".
Un aspect de la vie dans lequel nous pouvons éprouver un sentiment de sérénité est probablement l'usage répété d'objets simples et monotâches.
Ainsi il existe (il existait) des outils simples, des machines structurantes, car sans mode d’emploi et nécessitant peu d’intelligence pour leur usage. La plupart de ces instruments nous deviennent rapidement familiers. Il arrive même que certains se fassent oublier au point que leur disparition, un jour, passe inaperçue (par exemple les clés ouvre-boîtes de sardines).
Dans l'Antiquité la liste des machines simples comprenait seulement le levier, la roue, la poulie, le coin et le plan incliné. Certains y ajoutent la vis, l’engrenage et le treuil.
En 1501 un ingénieur italien, Agostino Ramelli, met au point un dispositif simple d'hypertexte : la Roue à livres (deux roues reliées par une douzaine de plateaux articulés sur chacun desquels repose un livre ouvert). C'est simple.
En 2015 la lecture sur ordinateurs ou sur des tablettes numériques tactiles connectées, nous rappelle sans cesse qu’un livre c’est simple comme un marteau ou comme une cuillère à soupe. Et pourtant, nous l’abandonnons de plus en plus souvent au profit de machines à lire.
Pourquoi ?
 
Les effets de réel que la lecture de romans imprimés engendre surpassent pourtant de beaucoup les soi-disant ebooks enrichis.
 
A la base, l’organisation du livre est rudimentaire. Elle repose sur l’archétype de l’empilement. Superposer des pages en un volume stable, empiler des pierres sur la sépulture d’un proche pour qu’il ne soit pas dévoré par les charognards, ériger des tours, construire des bibliothèques, témoignent d'une même manifestation prométhéenne.
Mais en instituant le pli de la feuille, en renfermant les mots entre ses pages et ses pages entre une couverture, en enfermant les livres dans des coffres et les coffres dans des bibliothèques inaccessibles aux profanes, jusqu’au 16e siècle, les livres, en tant que dispositifs de lecture, furent condamnés à être des machines célibataires, singulières et ambiguës, se reproduisant difficilement, lentement, comme des onanistes exhibitionnistes ne fonctionnant que sous les regards et entre les mains de voyeurs, davantage lettrés que lecteurs.
A partir de 1501 le livre est entraîné dans un mécanisme de clonage, il devient progressivement un produit manufacturé et envahissant, et il est maintenant emporté dans un processus qui s'emballe avec la duplication infini de fichiers numériques.
Nous ne pouvons que le constater : il n'y a aucune sérénité dans l'histoire du livre et de la lecture.
 
L'extension du domaine de l'information, c'est-à-dire de la magie, si, comme pour la sérénité, nous comprenons le mot information dans son sens premier de : "l'action de donner forme" (par exemple à l'actualité, à l'actuel et au quotidien), l'extension du domaine de l'information, des formes donc, est patente.
Donner vie à des formes et produire l'illusion de la réalité relève traditionnellement de la magie.
Les nouveaux dispositifs de lecture, avec toutes leurs imperfections du moment et malgré les basses manœuvres commerciales (obsolescence programmée, incompatibilité des programmes, profilage et publicités, etc.), ont pour but de donner forme, sur un mode hallucinatoire, aux masses de données qui prolifèrent dorénavant.
L'objectif est de rendre possible la visualisation d'ensembles complexes qui outrepassent nos capacités humaines de représentation et d'entendement, notamment limitées par une perception des faits selon un mode binaire et une temporalité linéaire.
C'est à une nouvelle grille de lecture du monde que nous devons nous adapter en nous acculturant à de nouvelles pratiques de lecture.
Pour faire face les lecteurs du 21e siècle devront être des lecteurs augmentés.
Bien loin de toute sérénité, le lecteur deviendrait lui-même une machine à traiter l'information, un dispositif mental apte à simuler et à stimuler une grammaire générative nous donnant accès à plusieurs niveaux de lecture de l’univers.
 
En arrière-fond de cette mutation des dispositifs et des pratiques de lecture, les grands récits mythiques, d'avant les livres, d'avant même l'écriture, irriguent toujours nos imaginaires et notre inconscient collectif.
Romans familiaux et romans nationaux ne font toujours que puiser dans le réservoir de ces temps immémoriaux.
Algorithmes, métadonnées et big data, ne sont que des expressions contemporaines de forces antédiluviennes, des mots substitués pour désigner en fait des avatars d'anges et de démons.
Les mythes agissent comme de véritables hologrammes narratifs (un hologramme étant un ensemble d'informations qui n'ont justement pas besoin d'un support physique pour apparaître).
 
Marguerite Yourcenar fait dire à l'empereur Hadrien : « La lettre écrite m'a enseigné à écouter la voix humaine, tout comme les grandes attitudes immobiles des statues m'ont appris à apprécier les gestes. » (Mémoires d'Hadrien).
Ce sentiment de sérénité de la lecture profonde, qui nous accompagne lors de la lecture sur papier, va-t-il subsister, et cela serait-il vraiment souhaitable ?
La vie n'est pas sereine, elle est grouillante.
L'état de vivant nécessite un combat pour rester en vie.
Les grands récits mythologiques, aux sources de toutes civilisations, véhiculent cette violence aux dimensions de forces météorologiques.
L'épopée est l'état naturel du vivant, qui est ainsi livresque par nature, narratif par essence (ce qui expliquerait peut-être en partie notre attachement au livre).
La mise en récit (de l'actualité par exemple), et donc la fiction, seraient une nécessité anthropologique qui sans cesse poserait la question du rapport à la vérité.
Aussi, à la question initiale : Existe-t-il une sérénité du texte imprimé et de sa lecture ? Ma réponse est : oui, mais nous devons probablement nous préparer à y renoncer."

 
N.B. : illustrations du domaine public. Tableaux de Giovanni Domenico Tiepolo (1727-1804) sur Le Cheval de Troie, à envisager ici comme une métaphore de la fiction dans la réalité.

vendredi 4 décembre 2015

La lecture et les lecteurs


La lecture est sortie du bois bien avant que les hommes inventent les écritures.
Ne serait-il pas temps de fournir des organes externes aux sens que la lecture produit dans le vouloir des lecteurs ?

jeudi 3 décembre 2015

Tribune sur la disparition du livre

A lire et à commenter, surtout si vous ne partagez pas mon point de vue, ma Tribune publiée sur Viabooks : LA DISPARITION DU LIVRE EST-ELLE INEVITABLE ?



dimanche 29 novembre 2015

ACTU - Situation et perspectives pour la lecture en Espagne

L'étude "Situación actual y perspectivas de futuro de la lectura en España" de Javier Urgel Parreño vient de paraître et est gratuitement téléchargeable.
Toutes les informations en suivant ce lien:
http://www.tramaeditorial.es/situacion-actual-y-perspectivas-de-futuro-de-la-lectura-en-espana-javier-urgel-parreno/
[Une information de Trama Editorial].

samedi 28 novembre 2015

Le livre imprimé peut-il nourrir une nostalgie ?

Le livre imprimé peut-il véritablement nourrir une nostalgie ?
Pour moi, sans hésitation, la réponse est : oui.
Pourquoi ?
Parce qu'il est un moyen d'évasion, de locomotion vers des lieux que nous n'avons habités qu'en imagination. 
Cependant il y a un vide que l'industrialisation des procédés a creusé par une surproduction effrénée des livres. La lecture s'y épuise.
La lecture sur écrans, que quelques-uns promeuvent sans vergogne, apporte bien peu dans les faits.
Face à celles et à ceux qui ne lisent pas ou plus, et face à celles et à ceux qui font commerce de livres comme ils le feraient de n'importe quelles autres marchandises, où la littérature pourrait-elle survivre, et la lecture poursuivre son besoin, ou son rêve, de livres ?
 
L'engagement prospectif
 
Mon engagement prospectif au cœur du contemporain unit la prospection, la recherche et l'exploration, au tracé de nouvelles perspectives, de droites lancées comme des lignes à écrire.
La prospective du livre est une démarche qui trace ses propres voies et doit pouvoir se retourner lorsqu’elle fait fausse route.
Qualifier la lecture par ses dispositifs est vraiment regrettable.
Comment lisions-nous, lisons-nous, lirons-nous ? Je parle de la lecture naturelle et de la lecture littéraire.
Comment, par exemple, Ernesto, qui "était censé ne pas savoir encore lire à ce moment-là de sa vie", précise Marguerite Duras, dans La pluie d'été (1990, P.O.L. Editeur), lisait-il ?
"Au début il disait qu'il avait essayé de la façon suivante : il avait donné à tel dessin de mot, tout à fait arbitrairement, un premier sens. Puis au deuxième mot qui avait suivi, il avait donné un autre sens, mais en raison du premier sens supposé au premier mot, et cela jusqu'à ce que la phrase tout entière veuille dire quelque chose de sensé. Ainsi avait-il compris que la lecture c'était une espèce de déroulement continu dans son propre corps d'une histoire par soi inventée.".
C'est ainsi que Marguerite Duras éclaire la voie de la prospective du livre et de la lecture, et ses méthodes parfois excentrées et excentriques par rapport aux autres champs de la prospective.

Aujourd’hui les tablettes de plastique, de verre et de composants électroniques rebattent les cartes, mais les esprits libres et sensibles peuvent toujours (je l’espère), dans cette métamorphose du livre comme miroir, percevoir le rayonnement fossile venu des âges mythologiques comme un continuum de conscience qui traverserait l’ordre du vivant.
Nous pouvons y voir de nouvelles fenêtres (des “fait naître”) à ouvrir.
Même si le présent en ce domaine ne se ramènerait qu’à un seul acte : celui de dé-corréler les textes et les images de leurs supports d’affichage. (Car cela arriverait pour la première fois ?)
Quoi qu’il en soit, les réflexions ci-dessus doivent je pense nous inviter à envisager la lecture littéraire comme une pratique émancipatrice de notre condition humaine, et nous inciter à nous considérer davantage comme des transmetteurs que comme des novateurs.

lundi 23 novembre 2015

La disparition du livre ? Et après ?

Dans le texte titré : La disparition du livre ? Et après ? j'envisage comment l'émergence des technologies immersives va, au cours des prochaines années, modifier en profondeur nos interfaces numériques, ainsi que nos rapports à la fiction, aux narrations, et conséquemment, à la lecture.
Ces technologies immersives concernent en effet directement les interfaces hommes-machines, mais la question essentielle qui se trouve posée est en fait la suivante : la disparition de l'objet livre imprimé, comme interface de lecture, s'inscrit-elle dans cette dématérialisation apparente des supports ? Ou pas ?
Les effets de réel que la lecture de romans imprimés engendre apparaissent indépassables, et nous ne devons pas être dupes non plus des vastes stratégies commerciales qui sont en action derrière ce qui n'est souvent en grande partie qu'un business de l'imaginaire. Cinéma et littérature participent pour beaucoup à une fictionnalisation abusive du monde qui ne pourrait plus se réenchanter que dans une relation massivement consumériste.
Au terme de cette réflexion j'avance, en guise de conclusion provisoire, deux idées.
La première est que nous assisterions actuellement au divorce de la lecture d'avec les pouvoirs de l'écrit.
La seconde, que ce sera demain aux œuvres de rendre visible le livre, et non plus l'inverse.
L'intégralité du texte est en ligne en suivant ce lien...
N'hésitez pas à le commenter, et surtout si vous n'êtes pas d'accord avec mon point de vue !

mardi 3 novembre 2015

Ce qui donnera alors réalité aux livres une fois que...

Certaines choses disparaissent...
Après la disparition du livre imprimé l'absence de livre parlera encore. Cela, surprenant, prendra sans doute la forme rassurante d'une histoire, d'une légende qui nous protègera de la menace qu'elle nous racontera. 
Sur quoi, alors, ce récit de la disparition sera-t-il fondé ?
Sur "une survivance parlante, le reste obscur qui ne veut pas céder..." ? (détournement d'une citation de Maurice Blanchot, dans Le livre à venir, 1959).
Car, l'air de rien, cette part obscure du volume imprimé donnait une consistance aux choses artificielles de l'esprit.
"Tibet imaginaire".
Et oui ! nous disions : "des volumes".
Nous disions : "un pavé".
Et voilà ! on le jette dans la mare.
Et quoi ?
Rien.
"Apparemment un grand silence. C'est ce qu'on dit poliment lorsque quelque écrivain disparaît : une voix s'est tue." (Blanchot).

Qu'est-ce qui, alors, donnera encore réalité de livre aux livres ?
La lecture, seule, pourrait-elle s'affirmer, briller seule ?
"Dans la clarté mystérieuse qu'elle propage et que chaque création littéraire lui renvoie en la multipliant, comme s'il y avait donc une "essence" de la littérature..." (une nouvelle fois, détournement d'une citation de Maurice Blanchot, dans Le livre à venir, 1959).
Nous avions bien conscience jusqu'à aujourd'hui d'une certaine réalité du livre.
Et là voilà qu'elle se dérobe.
J'avance l'idée que ce serait, que ce sera, aux oeuvres, finalement, de rendre visible le livre (et non plus l'inverse).
J'avance l'idée que les oeuvres littéraires seront un jour d'outre-livre, à porter l'absence de livre à un tel point d'incandescence que cela en sera peut-être parfois obscène, voire même d'une indécence cruelle, et ce sera cet horizon-là qu'il nous faudra alors dépasser pour véritablement entrer dans des œuvres que nous ne pourrons plus simplement aligner sur des étagères.

samedi 31 octobre 2015

Epistémologie des objets magiques

J'assisterai (et vous serez les bienvenus) le mercredi 04 novembre prochain à la séance du séminaire Ethiques et Mythes de la Création sous la responsabilité de Sylvie Dallet, et sur le thème précis :
Ancrer les transformations : épistémologie des objets magiques
(Les expériences de Gilbert Simondon et de Pierre Schaeffer. Ponctuations cybernétiques : pierres, tambours, machines, multimédia, monnaies…), avec la participation de Vincent Bontems, Thierry Gaudin et Frédéric Pascal. 
 
Programme
- Sylvie DALLET (Présidente Institut Charles Cros) : introduction aux résurgences mythiques et énergétiques dans la culture technique.
- Thierry GAUDIN (prospectiviste, cf. site web et ouvrages en téléchargement) : La monnaie, ce grand fétiche
- Frédéric PASCAL (docteur de l’EHESS / Institut Jean Nicod/ENS) : La part sacrée de l’invention (Simondon/Schaeffer) 
- Vincent BONTEMS (agrégé de philosophie, docteur de l'EHESS) : Le rapport éthique aux objets techniques (Simondon).
(Programme PDF détaillé)
 
Informations pratiques : Mercredi 04 novembre 2015. Maison des Sciences de l’Homme Paris-Nord (20 rue Georges Sand à Saint-Denis) métro Front Populaire.
De 14 heures à 17 heures 30, salle 408 (site web). 

jeudi 29 octobre 2015

Des lectures marginales

En prospective du livre et de la lecture, c'est-à-dire la réflexion et l'étude sur les mutations des dispositifs et des pratiques de lecture(s), régulièrement s'offrent des publications en marge, qui viennent enrichir nos connaissances et ouvrir de nouvelles perspectives.
Ni reconnue, ni structurée comme une discipline à part entière, la prospective du livre et de la lecture se constitue ainsi progressivement comme un champ, à la fois à explorer et à arpenter.
 
Récemment ce fut ainsi éclairant de lire et de mettre en parallèle deux essais.
Le premier de Paul Watzlawick, La réalité de la réalité, date de 1978 pour sa traduction française, et pose la question : mais où est donc le réel, comme référent suprême, et existe-t-il... réellement ?
Le deuxième est paru cette année aux éditions du CNRS et constitue, sous la plume d'Anne Besson, chercheuse spécialiste des ensembles romanesques et de la fantasy (université d'Artois) et le titre de : Constellations - Des mondes fictionnels dans l'imaginaire contemporain, un véritable panorama des univers alternatifs proliférants qui, s'ils sont souvent préfabriqués pour nous soumettre à des logiques marchandes à l'échelle planétaire, n'en demeurent pas moins potentiellement habitables et colonisables par des lecteurs libérés.
"Les œuvres de fiction deviennent des mondes, le monde réel est fictionnalisé. Nous vivons une ère de l'imagination réhabilitée... Anne Besson décrypte pour nous ce nouvel âge de la fiction." (extrait 4e de couverture).
   
Dès lors il s'agit bien, comme le propose la prospective de la lecture, de s'interroger sur le devenir de ce que nous appelons "lecture" face à de nouveaux accès de l'imaginaire dans des mondes fictionnels.
Nous devons prendre conscience que les mutations en gestation dans le secteur, apparemment innocent, du livre, dépassent de beaucoup les simples et habituelles questions matérielles liées aux supports et aux dispositifs de lecture. Probablement même qu'à l'échéance de la fin de ce siècle la problématique ne se posera plus en ces termes (c'est-à-dire dans ceux où, malheureusement, la majorité d'entre nous la pose encore aujourd'hui), et, sans que cela n'ait plus alors aucune espèce d'importance, elle n'aura pas pour autant, cette problématique, été résolue, ni par rapport à une opposition, ni même par rapport à une complémentarité, papier / écran, imprimé / numérique.
Car ce qui se prépare actuellement est en fait bien plus de l'ordre de l'émergence, d'une part, de nouvelles formes de narration, et, d'autre part, d'univers transfictionnels, avec des moyens d'accès et de locomotion dans l'imaginaire que nous commençons tout juste à pouvoir deviner (casques de réalité virtuelle, lunettes et/ou lentilles connectées, intelligences artificielles et transferts de mémoires, etc.).


lundi 26 octobre 2015

Dans 100 innovations qui vont changer votre vie :-)

J'ai eu le plaisir de contribuer à l'ouvrage collectif 100 INNOVATIONS QUI VONT CHANGER VOTRE VIE, de la communauté des éclaireurs de Soon Soon Soon.
 
Bel album préfacé par Philippe Starck et qui paraît en ce mois d'octobre sous la direction d'Alexis Botaya et de Maïlys Gervais aux éditions Dunod.
Une agréable occasion pour tous de pouvoir découvrir la toute petite pointe émergée de mon travail de veille au service des professionnels du livre ;-)
 
Bonne lecture et exploration du futur !

dimanche 25 octobre 2015

Réflexions à la lecture de MAGIE ET TECHNOLOGIE de Manuela de Barros

Une intéressante réflexion sur une centaine de pages de Manuela de Barros sur les liens entre magie et technologie (comme arts de l'illusion et de la manipulation dirais-je) vient de paraître aux Editions Supernova.
Cet essai trouve sa place dans la bibliographie de la prospective du livre et de la lecture, en ce sens qu'il met en perspective la pensée et le discours des technosciences, et ce faisant par un effet de miroir, de réflexion, éclaire l'avenir en éclairant le passé.
Sur son étagère virtuelle cohabitent quelques livres comme, par exemple, La sorcière de Jules Michelet (évoqué par l'auteure), ou d'autres auxquels j'ai repensé, comme Les enchanteurs de Romain Gary, ou encore La logique de l'usage de Jacques Perriault. Rien que cela montre la diversité des approches à laquelle je suis si sensible, la subjectivité des points de vues et leurs noces alchimiques dans une multidisciplinarité féconde.
  
Dans ce premier volet d'une trilogie en gestation, Manuela de Barros s'attarde notamment sur la pensée et les travaux de Donna Haraway, pour laquelle: "La frontière qui sépare la science-fiction de la réalité sociale n'est qu'illusion d'optique".
Voilà de formulé avec clarté l'un des axes d'investigation de ma propre activité de chercheur en prospective de la lecture : "La réalité est faite de représentations, résume Manuela de Barros, comme dans un roman de K. Dick notre monde serait construit sur un mode hallucinatoire. C'est le discours sur le monde qui lui donne forme et le rend appréhendable, par exemple avec les mythes et la religion."
 
"Les "marginaux" de la Silicon Valley ont réussi par leur puissance monétaire et leur capacité à créer un monde imaginaire dans lequel la frontière entre le fictif, le réalisé et le réalisable est floue, à faire de l'ombre au monde réel...", nous met en garde l'auteur.
Mon travail de veille me confronte au quotidien à ce nouveau, à cet autre récit du monde en train de s'écrire et dans lequel nous ne savons pas exactement quels seront nos rôles et s'ils sont réellement (sic) enviables ? 
Ce phénomène d'écriture d'un nouveau récit a été tout récemment très bien documenté par Anne Besson dans son volumineux essai paru en avril 2015 aux éditions du CNRS : Constellations - Des mondes fictionnels dans l'imaginaire contemporain.
" [...] les technologies existent parce que quelqu'un y a cru assez pour créer une nouvelle réalité. Et j'ai même tendance à penser, ajoute Manuela de Barros, qu'il y a un processus encore à identifier totalement, par lequel on crée les conditions matérielles de réalisation d'objets et d'opérations imaginaires.". D'où, plus que la parallèle, l'inscription des technologies dans les stratégies de la magie pratique
 
La prospective de la lecture en fer de lance  
 
La Grande convergence, j'ai déjà avancé plusieurs fois cette proposition, a à voir avec la lecture. Avec la génomique le corps vivant lui-même est considéré comme un code à décrypter. La bio-ingénierie forme une génération de bibliothécaires dont nous peinons à imaginer de quels genres de livres ils seront un jour les gardiens et les médiateurs.
 
Ce dont nous devrions prendre conscience, c'est que les mutations en gestation dans le secteur, apparemment innocent, du livre, dépassent de beaucoup les simples et habituelles questions matérielles liées aux supports et aux dispositifs. Probablement même qu'à l'échéance de la fin de ce siècle la problématique ne se posera plus en ces termes (c'est-à-dire dans ceux où, malheureusement, la majorité d'entre nous la pose aujourd'hui), et, sans que cela n'ait plus alors aucune espèce d'importance, et qu'elle n'aura pas pour autant, cette problématique, été résolue par rapport à une opposition (ni même à une complémentarité) papier / écran, imprimé / numérique. Car ce qui se prépare actuellement est en fait bien plus de l'ordre de l'émergence, d'une part, de nouvelles formes de narration, et, d'autre part, d'univers transfictionnels, avec des moyens d'accès et de locomotion dans le fictionnel que nous commençons tout juste à pouvoir deviner (casques de réalité virtuelle, lunettes et/ou lentilles connectées, intelligences artificielles et transferts de mémoires, etc.).
 
Nous assistons actuellement au divorce de la lecture d'avec les pouvoirs de l'écrit (Cf. pour mémoire : Histoire et pouvoirs de l'écrit, de Henri-Jean Martin).
Des questions essentielles se posent sans cesse à nous.
Qui écrit, qui contrôle les (nouvelles notamment) procédures narratives ?
A quoi, la fiction, en tant que puissance intégratrice, nous intègre-t-elle ?
Serait-ce dans le cœur de la fiction que pourraient se réaliser des expériences de pensées à la frontière des œuvres de Borges et de la mécanique quantique ? (Après la fiction romanesque comme laboratoire des cas de conscience (Frédérique Leichter-Flack), le roman comme laboratoire de physique quantique ?)
Et si Hermann Hesse avait été visionnaire de cela dans son fabuleux Le jeu des perles de verre ?
 
Voilà mes réflexions à la lecture de Magie et technologie, un essai accessible à partir du site des éditions Supernova, et dont je vous recommande la lecture (Vidéo de présentation par l'auteure).

samedi 17 octobre 2015

A la découverte de nouveaux espaces pour la lecture et l'école

Ma récente conférence du mercredi 14 octobre 2015 au Canopé (réseau de création et d'accompagnement pédagogiques) de l'Académie d'Orléans-Tours, sur le thème : La médiation du livre et de la lecture dans le web immersif - perspectives pour l'enseignement et la formation, a été l'occasion de synthétiser un certain nombre de mes observations et réflexions, à la fois sur la question du web 3D immersif comme espace de médiation de nouvelles pratiques de lecture, et également de son fort potentiel dans le cadre d'activités pédagogiques et créatives.
Belle occasion aussi de présenter rapidement quelques prototypes développés depuis quelques années avec le Collectif i3Dim (l'Incubateur de la 3D immersive) et de réaliser en fin de conférence un court duplex avec la plate-forme EVER (Environnement Virtuel pour l'Enseignement et la Recherche) de l'université de Strasbourg.
Une belle journée à Orléans, avec un auditoire attentif et intéressé :-)

dimanche 11 octobre 2015

Une autre dimension de la réalité augmentée - Du théâtre dans le Web immersif

 
Vendredi 09 octobre 2015 une première francophone a eu lieu sur la plate-forme web immersif EVER (Environnement Virtuel pour l'Enseignement et la Recherche) de l'université de Strasbourg.
Conduite par les animateurs du Collectif i3Dim (Incubateur de la 3D immersive, avec Jenny Bihouise et Lorenzo Soccavo), en collaboration avec les comédiens Jacqueline et Jean-Claude Barral du Théâtre de l'Adret, sur des textes d'Ann Rocard, cette première expérience de théâtre-promenade à distance nous projetant dans un environnement reconstituant péniche, écluse et maison éclusière traditionnelle dans le décor naturel des bords de Saône, a permis d'approfondir comment le web immersif peut enrichir le web (quantitatif) 2.0 et 2D en dépassant ses limites.
  
Ambiances magiques...
 
Apparition de la vouivre alors que nous sommes sur la péniche
 
Une quinzaine d'internautes de plusieurs pays ont ainsi pu partager cette expérience, se pénétrant des histoires racontées tout en pénétrant dans un décor réaliste où, à tout instant, tout demeurait potentiellement de l'ordre du possible.
Les outils de navigation des logiciels libres utilisés pour cette expérimentation (opensimulator) permettent aux utilisateurs une véritable pratique du co-browsing augmenté.
Nous pourrions en l'occurrence parler d'une véritable réalité augmentée, dans le sens où ces outils permettent (à l'instar de l'outil de navigation de Google Earth, par exemple), de décentrer son regard et de démultiplier ses points de vue sur toutes les facettes d'un environnement. Des outils de déplacement et de communication développent encore davantage l'expérience de l'internaute et efface son sentiment de solitude face à l'écran de son ordinateur. 
 
Projections dans la projection ?


Un réalisme envoûtant (Photo Anne Cordonnier - EVER)
Versant prospective de la lecture, ces expériences interrogent la place de la lecture à voix haute dans les territoires numériques, ainsi que la conjugaison de mondes fictionnels, vécue comme une extension de l'imaginaire et un enrichissement des réalités quotidiennes.
Le prochain groupe de 15 personnes est prévu pour le vendredi 23 octobre 2015 (21H00 heure française). Il reste quelques places et d'autres groupes seront prévus ultérieurement.
 
POUR PARTICIPER (initiation et participation à l'expérience gratuites) RENDEZ-VOUS sur le site du Théâtre de l'Adret : http://www.diner-theatre.com/lecture-scenarisee-en-3d.php ...


vendredi 25 septembre 2015

Les Cyber-lectrices sauveront-elles le monde ?

En ces temps de transition il me faudrait peut-être d'abord éclairer la notion de bibliocène et ce qu'elle libérerait comme espace de réflexion par rapport à un anthropocène qui reste contraint dans le carcan idéologique de l'anthropocentrisme triomphant.
Mais peut-être avancerons-nous plus tard sur ce chemin piégé.
Je voudrais juste ici avancer quelques idées sur les possibles impacts du transhumanisme et de la convergence NBIC (Nanotechnologies, Biotechnologies, Intelligence artificielle et neurosciences Cognitives) sur l'émergence de nouvelles voies pour la lecture. 
 
Nous sommes tous habités par un sentiment d'identité profonde, la certitude, la connaissance d'être et de demeurer, depuis notre naissance et au cours des années, la même personne unique bien distincte des autres, des contextes et des environnements multiples dans lesquels nous évoluons, et, dans la mesure de notre volonté, d'être aussi l'auteur original de nos pensées.
Cette conscience de soi est cependant de plus en plus fragilisée par la spectacularisation du monde, sa ludification, l'artificialisation numérique et multimédiatique, avec lesquelles il peut être de plus en plus difficile de différencier clairement ce qui est réellement soi de ce qui est un déguisement ou un uniforme imposés.
De plus en plus les mondes fictionnels, qui nous sont proposés comme des dérivatifs jouant le rôle de soupapes de sécurité, nous objectivent, dans la mesure où nous les objectivons par nos pratiques de lecture.
 
Des Amazones aux Fictionautes...
 
Considérant que la grande majorité des lecteurs de fictions littéraires sont des lectrices, la probabilité qu'elles constituent demain l'élite d'un futur bibliocène est élevée.
Les avancées actuelles dans les secteurs des intelligences artificielles et des réalités virtuelles en 3D, ces simulations informatiques d’environnements imaginaires au sein desquelles les lecteurs pourront s'immerger, élargissent en effet le répertoire des possibles.
Par exemple, pourrions-nous imaginer un jour un catalogue de créatures artificielles pouvant prendre en charge la personnalité du lecteur le temps d'un voyage (d'une lecture) ?
Les recherches en cours, mes observations, mon travail de veille sur le Métavers depuis 2006 et depuis 2000 en prospective du livre, puis au sein du Collectif i3Dim (L'Incubateur 3D immersive) et de la plate-forme EVER (Environnement Virtuel pour l'Enseignement et la Recherche) de l'université de Strasbourg, me forcent à envisager le lecteur du futur comme une créature artificielle voyageant dans les univers parallèles des fictions
Ces créatures-lectrices développeront de nouvelles capacités de perceptions émotionnelles et d'empathie. Elles seront à la fois la projection et en interaction avec les internautes qui les piloteront mentalement à distance depuis le monde "réel". Elles seront aussi, pour leur plus grand enrichissement expérientiel, en interaction avec les avatars fictionnels des univers littéraires qu'elles exploreront.

Envisager cela ne relève pas de la science-fiction. C'est un (modeste et rapide) exercice de futurologie. Face à l'envahissement des fictions et des technologies (de la science et de la fiction finalement) il est aujourd'hui légitime, et même urgent, de se demander en quoi un courant de pensée comme le transhumanisme pourrait, par ses applications pratiques et leurs effets dans la société, percer des portes entre le monde réel et les mondes fictionnels.